Le réemploi de matériaux dans le bâtiment est une solution durable et économique : Corentin Le Faucheur a crée le métier de ReUse Manager.
Et demain ?

« Le réemploi : une solution économique à forte valeur environnementale »

14.12.2018

A seulement 26 ans, Corentin Le Faucheur a créé un métier : ReUse Manager.

Une activité née du bon sens pour éviter de gaspiller des composants immobiliers loin d’être obsolètes, et de la volonté d’accompagner les professionnels du bâtiment vers des pratiques plus durables et moins gourmandes en ressources. Cela lui a valu une récompense, le Prix Junior de l’immobilier 2017, et un début de carrière très prometteur. Il prêche désormais ses conseils en ReUse management au sein de la société Backacia, dont il est associé. Nous l’avons rencontré.

Après l’avoir imaginé et décrite dans votre mémoire de fin d’études, vous exercez désormais la profession de ReUse Manager. La réalité de l’emploi correspond-t-elle à l’idée que vous vous en faisiez ?

Disons qu’on est proche de ce que j’imaginais. Il s’agit d’accompagner la maîtrise d’oeuvre, les prestataires, les grandes foncières ou les collectivités dans la mise en place de démarches de réemploi et d’économie circulaire. Chez Backasia, nous adressons aussi bien ces services à des acteurs du bâtiment engagés sur un projet de déconstruction ou de réhabilitation qu’à ceux qui construisent ou exploitent des actifs immobiliers.

En revanche, je pensais que les problématiques administratives et règlementaires seraient les plus complexes à gérer au quotidien. J’avais un regard très critique. Et j’imaginais, à l’inverse, que la mise en œuvre opérationnelle du réemploi sur les chantiers (récupération des composants du bâtiments, transport, et réinstallation) serait relativement aisée. Sur le terrain aujourd’hui, je constate que la réalité est plus complexe.

Que voulez-vous dire ?

Aujourd’hui, je procède de manière assez simple. Lorsqu’un maître d’ouvrage ou un prestataire veut vendre des produits d’occasion, je m’assure de recueillir un maximum d’informations sur ses composants (équipements techniques pour la production de chaud ou de froid, pour l’éclairage ou matériaux comme des cloisons intérieures, des éléments vitrés…). Par exemple, nous demandons systématiquement une photo du produit placé dans son contexte actuel. Une fois un certain nombre d’informations collectées, nous sollicitons des partenaires ou prestataires que nous savons intéressés par ce type de produit, puis nous organisons une visite, encadrons les négociations et finalement fournissons factures et fiches de traçabilité. Bon nombre d’entreprises du secteur du bâtiment savent exactement ce qu’ils peuvent faire en matière d’usage de composants d’occasion. Et en termes d’assurance, les problématiques sont moins complexes qu’elles n’y paraissent, du moment que les opérations sont réalisées dans les règles de l’art.

Mais le plus complexe à mettre en œuvre concerne la phase réellement opérationnelle du réemploi. Qui va déposer le produit, c’est-à-dire le démonter ? Va-t-il le faire sans l’abimer car une seule pièce abimée peut empêcher sa ré-employabilité ? Comment va-t-il être entreposé et/ou transporté vers le chantier de l’acheteur ? Qui va réinstaller l’équipement d’occasion ? Autant de questions qui supposent donc des compétences particulières pour les ouvriers en charge sur les chantiers de démolition comme de construction.

Le marché du réemploi demande donc pour se développer de former les ouvriers ?

Effectivement, et de ceux qui habituellement démolissent, qui doivent monter en compétence pour déconstruire. Car pour savoir comment déposer soigneusement une cloison vitrée ou un équipement électrique, il faut avoir une certaine connaissance du produit, savoir par exemple comment il a été monté. C’est pourquoi, pour la dépose, nous passons souvent par des installateurs. Mais notre métier c’est aussi d’accompagner une montée en compétence globale. Au fur et à mesure que nous connaissons les composants du bâtiment, nous établissons donc des guides de la dépose et nous les proposons aux titulaires d’un lot de curage par exemple.

L’enjeu économique est très fort. Finalement il s’agit de créer de la valeur à partir de la main d’oeuvre, au lieu d’en créer avec de l’extraction de ressources.

Vous parlez justement des ressources. Pourquoi la question de leur gestion et du réemploi des composants est centrale dans le secteur du bâtiment ?

Le réemploi est d’abord à mes yeux une question de bon sens. Pourquoi gaspiller, envoyer à la décharge un composant lorsqu’il est encore en état de fonctionner ou propice à son usage premier ?

Ensuite, et je l’ai découvert en développant l’activité de ReUse management, le bâtiment fait en effet face à des enjeux écologiques et économiques forts pour l’avenir qui l’oblige à se réinventer. C’est d’abord la question de la préservation des ressources naturelles. Utiliser moins ou mieux le béton par exemple, c’est ponctionner moins de sable dont les réserves se sont considérablement amoindries dans le monde. De plus, qui dit pression sur les ressources dit augmentation des prix des matières premières. Il faut donc anticiper cette hausse en optimisant intelligemment son approvisionnement.

Et allonger la durée de vie d’un produit grâce au réemploi c’est aussi préserver sa valeur. Le prix des matériaux et équipements d’occasion se situe ainsi entre 10 et 40 % du prix neuf.

Aujourd’hui, le secteur du bâtiment rejette 40 millions de tonnes de déchets par an. Et 35 % seulement de ces déchets sont valorisés sur les chantiers. Au final, le réemploi apparaît donc comme une solution économique intéressante et à forte valeur environnementale. Et nous le savons, l’argument économique est toujours déterminant pour passer à l’action et massifier un marché. Aujourd’hui, nous contribuons donc à structurer un marché profitable pour les acteurs, lesquels intègrent alors une démarche circulaire responsable et respectueuse.

Le marché du réemploi est-il sur une pente ascendante ? Ou reste-t-il des freins importants à son déploiement ?

Outre la structuration des phases opérationnelles du marché du réemploi, peu de freins subsistent. Les acteurs sont très déterminés, les grandes foncières et groupes de gestion immobilière en particulier. Et ce d’autant que les démarches de réemploi s’accordent parfaitement avec leurs politiques de responsabilité sociale d’entreprise (RSE).

De plus, la législation est amenée à rapidement évoluer sur le sujet et conduira de plus en plus les acteurs du BTP vers des solutions d’économie circulaire, comme le réemploi. Aujourd’hui les Pays-Bas, la Belgique ou la Grande Bretagne ont d’ores et déjà mis en place des contraintes règlementaires pour pousser à la valorisation des déchets de chantiers. Et la France, dans sa loi de transition énergétique et de croissance verte, a voté un objectif de 70 % de déchets valorisés dans la filière du bâtiment d’ici 2020.

2020 c’est demain. Aussi la réglementation ne devrait-elle plus tarder à trancher en faveur du réemploi.

Notre entreprise Backacia fait d’ailleurs partie d’un groupe de travail mis en place par le Ministère de la transition écologique pour optimiser l’actuel diagnostic déchets. Aujourd’hui obligatoire pour les déconstructions de bâtiments d’une surface de plus de 10 000 m², ce diagnostic a vocation à soutenir le recyclage des matériaux. Mais l’idée est qu’il comprenne également un volet réemploi. Il s’agirait donc de le transformer en diagnostic déchets – ressources, pour engager les professionnels de l’immobilier à mieux identifier les composants d’un bâtiment par exemple.

Le marché du réemploi va donc rapidement se développer. Il demande simplement aux acteurs de prendre de nouveaux réflexes. Et demain ils iront sourcer le marché de l’occasion avant d’acheter des produits neufs chez leurs fournisseurs.

Comment évaluez-vous, finalement, votre contribution de ReUse manager pour les acteurs de l’immobilier ?

Il s’agit simplement d’une fonction d’accompagnement au changement dont la vocation n’est pas d’être durable. A côté, chez Backasia nous proposons une place de marché pour faciliter les échanges entre vendeurs de composants d’un côté et acheteurs de l’autre. Nous l’améliorons en continu de manière à y proposer un ensemble de services intégrés qui permettront demain aux acteurs du BTP d’être autonomes.

Ils pourront alors se passer de ReUse managers.

Un article signé Usbek & Rica

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