Multi-champion handisport de natation, de basket-fauteuil et de rugby-fauteuil, Ryadh Sallem est aussi co-fondateur de l’association CAPSAAA* et militant de l’inclusivité. Photo G Picout
Et demain ?

« Pour demain, je rêve d’une ville inclusive qui célèbrera le vivant »

28.11.2019

Multi-champion handisport de natation, de basket-fauteuil et de rugby-fauteuil, Ryadh Sallem est aussi co-fondateur de l’association CAPSAAA* et militant de l’inclusivité. C’est notamment avec lui qu’est née l’idée de la Cité Universelle, aujourd’hui en construction à Paris dans le secteur dit de la Marseillaise. Nous avons donc voulu connaître sa vision du futur urbain, la place qu’il imagine pour la nature, l’échange et le sport, et son regard sur l’accessibilité. Entretien

A quoi ressemblerait votre ville idéale du futur ?

Ce serait une ville partagée avec le vivant. Ce qui demande d’édifier et d’aménager la Cité en tenant compte de la nature et des animaux, en apprenant à éduquer les citadins à vivre avec certains oiseaux, certains rongeurs et certains insectes.

C’est idéal parce que c’est le sens même de la vie. A l’origine, elle s’est forgée sur un équilibre. Mais nos choix de développement, l’extension urbaine notamment, ont contribué au déséquilibre actuel.  Si on poursuit avec ce système de pensée biaisée, on s’expose, nous les humains, à d’importants risques sanitaires, sociaux, environnementaux, et surtout politiques, et on embarque toutes les espèces dans cette dramatique narration.

Si on est incapable d’accepter le vivant alors que c’est lui qui nous nourrit, qui nous fait respirer et qui fait que cette Terre est habitable, on ne va nulle part. En bâtissant l’avenir avec des matériaux morts, on construit des villes mortes.

Des lieux où, dans un siècle, rien n’absorberait le carbone et ne maitriserait la chaleur. La ville du futur devra être accessible à tout ce qui est vivant.

Comment imaginez-vous cette place de la nature en ville demain ?

Les règlementations devront changer pour limiter l’empreinte carbone de la construction. Aujourd’hui, les travaux et réalisations autour du bois sont déjà prometteurs, tout comme les récents projets de toits végétalisés et jardins partagés qui se déploient.

Mais il nous faut être rapidement plus ambitieux. Nous avons des milliards d’hectares horizontaux et verticaux qui ne sont pas exploités. Il faudrait anticiper l’intégration ou la réintégration du vivant en amont de tout projet urbain, de construction, de rénovation ou d’animation. Et créer à chaque fois des espaces où l’on sait que des plantes pousseront et grimperont, que des espèces animales trouveront un refuge, etc. Des réalisations récentes ont montré que c’était possible : le faucon pèlerin par exemple, qui avait disparu de Paris depuis la fin des années 1940, revient nicher sur certains toits de la capitale. Il ne s’agit pas seulement de réintégrer une espèce ou une autre mais bien de rééquilibrer les choses. Car les faucons par exemple capturent pigeons et rats en évitant leur prolifération démesurée dans les villes.

Nous sommes une espèce dotée d’une conscience. On a donc une capacité d’analyser notre impact sur notre environnement. De fait, on devrait en être les bergers, les protecteurs et non les prédateurs. On devrait utiliser notre intelligence pour essaimer la vie et vivre tous en paix.

En quoi la cité universelle tend-t-elle à cela ?

La cité universelle est un lieu accessible à tous porteur des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité chères à notre pays. Elle offre la liberté : quand on ne peut pas bouger et se déplacer à sa guise dans un espace, on n’est pas libre. Elle offre l’égalité : en permettant à tous, y compris aux plus vulnérables, d’accéder par les mêmes portes et la même rampe à un lieu. Dans la cité universelle, les personnes handicapées n’ont pas à passer par les locaux de service ou le local à poubelles !

Ici l’accessibilité n’est donc pas pensée à part, à côté. Elle est conçue a priori. C’est une cité inclusive. En ce sens c’est un projet fraternel car généreux et rassembleur.

De plus, si nos sociétés ont réussi à prolonger la vie, elles savent encore mal prolonger l’autonomie. Et grâce à ce type de bâti, on peut le faire.

C’est la raison pour laquelle je me suis accroché à cette idée de cité du handicap – devenue universelle – depuis 2011. Une cité qui a enfin pu se concrétiser par ma rencontre avec GA Smart Building qui s’est engagé avec ce projet original pour relever mon défi. Ils ont tout de suite compris à quel point il était porteur de sens pour un futur en commun.

Aujourd’hui en construction, cette cité fera donc la part belle au sport, mais accueillera aussi une partie hôtellerie, un pôle santé, des commerces, des bureaux, de la restauration. De quoi organiser dignement les compétitions internationales paralympiques.

Côté architecture, elle sera entourée d’une élégante broderie, une rampe partant du bas et montant jusqu’au toit en drapant le bâtiment. Je voulais ainsi symboliser l’accès universel et les architectes ont magnifiquement bien habillé ce lieu de demain. Un endroit qui élève, certes construit sur une adresse parisienne mais situé de l’autre côté du périphérique et offrant une vision à 360°. En ce sens, c’est aussi à mes yeux l’incarnation de la philosophie du Grand Paris.

Bien sûr, construire inclusif suppose un investissement humain et financier. Mais ce sera rentable à long terme, dans un futur qui sera inclusif ou ne sera pas.

Comment penser la ville inclusive justement ?

On peut questionner les usagers, c’est important. L’une des certitudes fondamentales du festival les Dialogues en Humanité est que nous sommes tous experts de notre quotidien. Penser la ville inclusive demande donc d’écouter les nécessités de chacun pour trouver des solutions collectives. Bien sûr, on ne fabrique pas une ville, un quartier ou un immeuble pour une seule personne. On s’inspire, on partage et on essaime. Il faut donc simplement sortir des schémas de conceptions habituels, de niches professionnelles qui trop souvent ont conduit à bâtir en dépit du bon sens.

Et si on écoute les citoyens, surtout les plus jeunes, comme je le constate chaque année en organisant le rallye Educapcity, on mesurera notamment leur attente de nature. Mon fils par exemple m’a récemment dit que si j’étais élu il aimerait que je plante des arbres et installe des animaux dans les écoles car « le sol, ça brûle ». C’est simple mais c’est juste. Et l’animal sera toujours l’ami d’un élève mis à l’écart.

Quelle place a le sport dans la ville idéale ?

Nous sommes des êtres vivants et la vie c’est le mouvement. Nous avons besoin de bouger à l’intérieur d’espaces comme à l’extérieur. Et il ne s’agit pas seulement d’être mobile pour aller au travail et prendre le métro. Il me semble indispensable de bouger pour le plaisir, pour les loisirs, pour se dépasser, pour se défier, pour se rencontrer, pour créer une émulation. Faire un effort peut créer des douleurs mais avec un peu d’entrainement, c’est le bien-être à la clé. On se sent mieux individuellement mais aussi collectivement. On est plus ouverts à la convivialité, à l’échange et au défi.

Le sport est fédérateur. C’est une évidence. Pourquoi ? Deux choses rassemblent les humains, la guerre et la fête, et le sport rassemble les deux. C’est une guerre intérieure et parfois un peu avec les autres, les adversaires. Mais ce sont des guerres pacifiques. Il n’y a pas de morts. Et une fois qu’on a fait cet effort, que les épreuves ont eu lieu, on va boire un coup, on échange, on mange ensemble. On célèbre.

Les infrastructures sportives doivent-elles évoluer pour construire la ville vivante et inclusive de vos rêves ?

Oui. Aujourd’hui, on pense le sport et on construit un gymnase ou un terrain en extérieur. Mais demain lorsqu’on fera des immeubles de logement, pourquoi ne bâtirions-nous pas des immeubles polyvalents avec des espaces modulables ? Un bâti pluriel qui n’ait pas qu’une ou deux fonctions. C’est comme pour la biodiversité.

Construire pour pouvoir y vivre et donc créer des zones partagées et aménageables. Des salles communes où l’on puisse organiser des anniversaires d’enfants, des réunions de copropriété, faire du multisport ou proposer des démonstrations artistiques.

Il faut de la biodiversité dans tout, de la diversité dans tout. Il faut repenser la Cité au sens large pour qu’elle fasse écho au vivant hors et dans ses murs. Et si on pense la Cité en ayant en tête nos anciens, nos enfants, nos personnes handicapées, notre environnement végétal et animal voisin, on pensera une cité du futur généreuse, intelligente et bienveillante. Et là le mot inclusif ne sera pas seulement un mot « pour faire joli » mais quelque chose de concret, de réel, qui fera sens.

Comme l’a chanté un artiste brésilien aux derniers Jeux Paralympiques de Rio, en 2012, « un rêve seul est un rêve, un rêve à plusieurs est un réalité ». Je remercie donc GA et toutes les personnes impliquées dans ce projet, d’avoir permis la concrétisation de mon rêve : la cité universelle.

Un article signé Usbek & Rica

 

*CAPSAAA (cap sur Aventure, Art, Amitié) est une association multi-sportive qui intervient dans les écoles, les entreprises et les prisons via des actions de sensibilisation au handicap et de prévention des comportements à risque.

Ryadh SALLEM, entrepreneur ESS, Athlète paralympique et Ambassadeur « Paris 2024 ».

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