Pour Alain D’Iribarne, sociologue du travail, CNRS, le bien-être au travail est en train de rentrer dans le cahier des charges des grands projets immobiliers.
Et demain ?

Alain D’Iribarne : « Le bien-être est en train de rentrer dans le cahier des charges des grands projets immobiliers »

24.03.2016

Sociologue du travail rattaché au CNRS, Alain D’Iribarne est président du comité scientifique d’Actineo, l’observatoire de la qualité de vie au travail qui a publié fin 2015 une grande enquête sur le bien-être au travail menée sur 1 200 actifs des secteurs privé et public. D’après ses conclusions, le bien-être au travail réside surtout dans les relations sociales pacifiées entre les collaborateurs favorisant la confiance, l’entraide et la collaboration.

À situation objective égale, les Français ont tendance à se montrer plus critiques que les autres envers leurs conditions de travail. Comment l’expliquez-vous ?

C’est vrai que les Français possèdent une grande capacité à être mécontents, mais contrairement à ce que l’on dit, ils sont très attachés à leur travail ! La qualité de vie au bureau et le sens du devoir professionnel occupent des rôles très importants. En France, la notion d’œuvre, de chef d’œuvre, reste très forte. C’est un pays qui produit des chefs d’œuvre techniques, des Airbus, des TGV, des centrales nucléaires, etc. Il existe une certaine fierté et une demande de sens qui touche tous les employés. Le mécontentement peut venir d’une autonomie et d’une responsabilité croissante attendues de la part des salariés alors que les outils de travail et les procédures ont souvent du mal à suivre et à évoluer. Pour éviter toute frustration, l’entreprise doit fournir aux salariés les moyens de son ambition !

Comment mesurer le bien-être des salariés au travail ? Quels indicateurs sont pris en compte ?

Il existe de nombreuses enquêtes quantitatives qui comptabilisent dans l’entreprise le nombre de jours d’arrêt de travail, les cas de maladies psychosomatiques ou le niveau sonore des espaces de travail… Mais pour un sujet aussi subjectif que le bien-être, je suis plutôt adepte d’une approche qualitative. Lors des entretiens, je cherche à connaître l’expérience subjective des collaborateurs. Alors je demande aux collaborateurs de définir eux-mêmes le bien-être au travail. J’entends des réponses très intéressantes et le plus souvent celle ci : « pour moi, le bien-être au travail c’est d’avoir des relations de qualité avec mes collègues » et ce d’autant plus souvent que les gens travaillent en équipe dans des open-spaces. Pour les collaborateurs, le bien-être au travail est souvent lié à la confiance, au fait de pouvoir échanger, s’entraider dans l’entreprise. On retrouve ce vieux lien social, cette vieille mythologie du travail artisanal, du compagnonnage, les grandes solidarités d’usines qui ne sont absolument pas mortes ! Ensuite, l’autre élément du bien-être au travail concerne la relation hiérarchique : Les collaborateurs attendent que leurs supérieurs soient compétents et reconnus, qu’ils soient capables d’aider leurs collaborateurs et qu’ils donnent des directives claires et cohérentes. Cette demande de cohérence s’explique parce que les collaborateurs sont compétents et qu’ils aiment leur travail.

De quelle manière l’aménagement du lieu de travail peut-il améliorer la qualité de vie des collaborateurs ?

Dans les usines comme dans les bureaux, il existe une relation étroite entre bien-être et aménagement de l’espace de travail, et les collaborateurs ont de plus en plus souvent leur mot à dire sur cet aménagement ! Aujourd’hui dans les bureaux ouverts, on veut pouvoir se concentrer et s’isoler quand on en a besoin, c’est pour cela qu’on voit apparaître dans les open-spaces des espaces de confidentialité, des bulles insonorisées pour 2 ou 3 personnes et des petites salles de réunion qui viennent compléter l’architecture des open-spaces, désormais pensés de manière bien plus intelligente qu’auparavant. Ces nouveaux aménagements ouverts favorisent aussi la collaboration et le travail en équipe. Désormais les entreprises créent même des lieux d’échange et de convivialité. Aujourd’hui, le bien-être des collaborateurs est en train de rentrer dans le cahier des charges de tous les grands projets immobiliers même si certaines entreprises ont encore du mal à s’en rendre compte…

De quelle manière le bien-être influence-t-il la productivité des salariés ?

Même s’il n’y a pas de lien direct, on s’aperçoit que ce sont les mêmes variables qui jouent sur le bien-être et la productivité. Par exemple, si vous prenez du plaisir à collaborer et qu’on vous demande de travailler en équipe, cela contribue à la fois au bien-être et à la productivité de l’entreprise. Si vous avez un outil informatique agréable et qui fonctionne bien : il va contribuer à la fois au bien-être et à l’efficacité des collaborateurs. Ensuite, il ne faut pas oublier que la génération Y est plus exigeante en termes de qualité de travail et de qualité de vie. Ces nouveaux collaborateurs ont plus souvent l’habitude de zapper, ils sont mobiles et très qualifiés. Le bien-être et la qualité de vie au travail sont alors des arguments qui permettent à l’entreprise d’attirer et conserver les profils les plus talentueux. Selon les secteurs d’activité, le bien-être peut devenir un argument très important pour recruter.

Un article signé Usbek & Rica

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