Découvrez une technologie de dépollution des friches industrielles avec la technique de la phytoremédiation.
Et demain ?

Quand les plantes redonnent la vie aux friches industrielles

29.06.2018

En Europe, la technique de la phytoremédiation est peu exploitée. Cette capacité des plantes à décontaminer les friches industrielles est en revanche utilisée depuis des années aux Etats-Unis et au Canada, pour redonner vie à certains quartiers et banlieues urbaines. Portrait d’une technologie de dépollution douce et peu onéreuse, qui pourrait aider à décontaminer les 400 000 sites pollués de France*, en particulier les 3 000 lieux les plus sensibles, de la crèche au lycée.

À Chicago, un essai de décontamination des sols à l’aide de tournesols a été entrepris dans quelques vieux quartiers de la ville, à proximité d’une fonderie de plomb. Très récemment, la Ville de Montréal a mis trois hectares de terrains municipaux à la disposition d’un projet ambitieux de reconquête de sols pollués. Différents végétaux ont été plantés aux printemps 2017 et 2018 dans l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles. L’objectif était non seulement de redonner vie au terrain d’ici 2020, mais aussi de valoriser la biomasse produite en composts et biocarburants. Certes la phytoremédiation nécessite quelques années, mais elle est plus respectueuse et bien plus économique (plus de 100 fois moins chère) que les méthodes classiques d’excavation, d’incinération ou de lessivage des sols.

Chronique d’un essor annoncé sur les friches industrielles

La reconquête des friches industrielles, y compris les très grandes surfaces, devient donc une solution de choix face à la rareté du foncier en agglomération. « Lors de l’édition lyonnaise des « 48h de l’agriculture urbaine », les visiteurs ont été invités à participer à des « balades industrieuses » dans le quartier de Confluence, qui montrent comment l’environnement industriel urbain peut être remodelé par la végétation en ville. » rapporte Ludovic Vincent, président cofondateur de Biomede, société spécialisée dans les solutions de phytoremédiation.

Entre obligation légale et impact social

La phytoremédiation pourrait donc se développer en France. Elle y est aidée par la loi ALUR** qui soumet désormais les projets de construction au contrôle d’un bureau d’études certifié dans le domaine des sites et sols contaminés. Il est interdit aujourd’hui de vendre un terrain, sans communiquer sur sa valeur environnementale. Et si une pollution est découverte après le vente, l’acquéreur peut imposer sa réhabilitation aux frais du vendeur… qui peut donc choisir la phytoremédiation. « Mieux : l’aménagement paysager lié à la phytoremédiation est bon pour le moral, insiste Ludovic Vincent. Des études ont montré son impact positif sur les comportements humains, car le vert en ville abaisse le niveau de stress et de violence. Il permettrait même de resserrer les liens entre voisins et habitants d’un quartier. Certaines études affirmeraient même qu’il allongerait la durée de vie. » 

Phytoextraction, phytostabilisation, phytovolatilisation, rhizodégration ou rhizofiltration ?

Côté technique, on compte plusieurs méthodes pouvant être cumulées sur un même site. « La phytostabilisation est la méthode la plus courante en France. Elle utilise les racines des plantes pour piéger les polluants comme l’arsenic ou le nickel dans le sol et ainsi les empêcher de se disperser dans les nappes phréatiques notamment. Cette méthode s’appelle rhizofiltration lorsqu’elle est exploitée dans un étang, car les racines jouent le rôle de filtre, décrit Ludovic Vincent. La phytoextraction est un procédé où les racines de plantes (chanvre, fougère, ou moutarde brune par exemple) extraient les métaux ou les radioéléments des sols puis les accumulent dans les tiges et les feuilles, en les intégrant dans leur métabolisme pour synthétiser des pigments ou se protéger contre les insectes. » La phytovolatilisation se sert de la capacité des microorganismes présents autour des racines de dégrader les pesticides, le sélénium ou le mercure en éléments moins nocifs volatils. Enfin, la rhizodégradation est une méthode exploitant les micro-organismes vivant en symbiose avec les plantes pour dégrader les hydrocarbures ou les pesticides.

« Les projets dans les villes et, surtout, en périphérie des villes, se déploient petit à petit en France, conclut Ludovic Vincent. En fournissant des graines de plantes capables d’extraire le cuivre des sols par exemple, nous redonnons une valeur agricole aux terrains contaminés. Les urbains pourront ainsi bénéficier de sols de bonne qualité dans leur ville au bénéfice de leur santé, de leur bien-être et d’une agriculture locale. C’est indispensable alors que 80 % des humains vivront en ville d’ici 2050. » 

* Le nombre de 400 000 sites pollués en France a été établi par la base de données Basias du BRGM, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières, organisme public de référence pour la gestion des ressources et des risques du sol et du sous-sol.

** Accès au Logement et à un Urbanisme Rénové

Un article signé Okedito

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