À l’heure de la publication du premier ouvrage du groupe de travail européen sur le BIM « EU BIM Task Group », Nassim Saoud, Directeur EMEA&BR (Europe, Moyen-Orient, Afrique, Brazil) pour Gehry Technologies (Groupe TRIMBLE), pose son regard d’expert sur l’Europe du BIM. Embarquement immédiat pour un tour d’horizon des usages de la maquette numérique.
Les pays européens partagent-ils la même vision de la construction numérique ?
Les niveaux de maturité des pays et les pratiques de construction varient à l’échelle européenne. Dès les années 2000, les pays scandinaves ont été pionniers, Norvège en tête. Ils ont été parmi les premiers à s’emparer du concept et à lancer des initiatives gouvernementales de construction numérique. En 2007, le Danemark a mis en place une agence centrale et légiféré sur le sujet, exigeant d’exploiter le BIM dans les projets publics de construction ou de rénovation, sur tout le cycle de vie des bâtiments. Une deuxième phase s’est déployée en Europe de l’Ouest, où la Grande-Bretagne a joué un rôle de force motrice. Dès 2011, le pays a adopté l’usage du BIM et fédéré le secteur de la construction autour de cet usage. La Grande-Bretagne a officialisé les standards et les processus d’utilisation du BIM.
Et la France : quand le pays s’est-il intéressé au BIM ?
La France et l’Allemagne ont suivi le mouvement initié par la Grande-Bretagne. Les deux pays ont lancé en 2014 et 2015 des initiatives pour donner envie à la filière de s’approprier le numérique dans la construction : le Plan de Transition Numérique du Bâtiment (PTNB) chez nous et le Planen Bauen 4.0 de l’autre côté du Rhin. Toute la chaîne de valeur du bâtiment y est représentée : architectes, fédération, constructeurs, promoteurs… N’oublions pas non plus en France Mediaconstruct, partie prenante française dans BuildingSMART*, qui rassemble des utilisateurs du BIM et des éditeurs de logiciels. L’association a une portée européenne sur la généralisation de la maquette numérique. Aujourd’hui, la France est dans le peloton de tête des nations du BIM. La dimension internationale de certains groupes français dans le design, l’ingénierie et la construction a permis d’accélérer l’adoption des pratiques BIM avancées venues d’autres régions du globe. Après avoir réalisé des chantiers aux États-Unis, à Singapour et à Dubaï, pays à l’avant-garde sur le BIM, ils ont appliqué leurs expériences sur des chantiers en France.
Alors que l’Italie rendra le BIM obligatoire pour ses futurs grands bâtiments en 2019, que pensez-vous des réglementations ?
La transition numérique du bâtiment est lente et certains pensent qu’en imposant l’usage du BIM à l’échelle des pays, l’évolution s’accélèrera. Je crois plutôt aux bénéfices de l’accompagnement, de la formation, du développement des technologies et des retours d’expérience. Je crois aussi à la convergence des stratégies, à la mutualisation des pratiques et à la mise en place d’un standard global mondial. Dans cette perspective, l’European Union BIM Task group a un rôle essentiel à jouer. Sans avoir la vocation d’instaurer une normalisation, il a la capacité d’améliorer la coordination des travaux européens. L’enjeu est crucial : le BIM est source d’économies – 15 à 25 % selon les estimations – et l’EU BIM estime que ces économies pourraient atteindre 130 milliards d’euros d’ici 2030, à l’échelle de tous les chantiers en Europe. Déjà, au cours des trois dernières années, la progression du BIM a été fulgurante. Les conversations qui animent le secteur sont de plus en plus pointues. On ne se demande plus « Pourquoi utiliser le BIM ? ». On est passé à la vitesse supérieure. On cherche à savoir comment l’utiliser et à recenser les bonnes pratiques. Désormais, le BIM est populaire : un premier pas franchi vers l’adoption de la maquette numérique dans le bâtiment.
*BuildingSMART International est une société de droit UK « non-for-profit », semblable à une association loi 1901 en France. Elle compte aujourd’hui 17 chapitres actifs recouvrant 25 pays au total, dont Mediaconstruct chapitre français. Sa vocation : concevoir et promouvoir des standards et normes liés à l’OpenBIM.
Retrouvez Nassim Saoud, Directeur EMEA&BR (Europe, Moyen-Orient, Afrique, Brazil) pour Gehry Technologies, dans le MOOCBIM.
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L’European Union BIM Task group
-Création en 2015
-Membres : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Irlande, Islande, Italie, Lituanie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède
-Mission : constituer un marché unique numérique pour le secteur de la Construction d’ici 2020, un marché ouvert, équitable et compétitif
-Ouvrage : « Handbook for the introduction of Building Information Modeling by the European Public Sector », un manuel qui recense les stratégies déployées par des états membres pour développer le BIM dans leur pays.
Un article signé OKedito