L'accessibilité est le grand défi de la ville de demain. Le smart building dans la smart city doit être inclusif et accessible à tous. Quels obstacles ? Quelles solutions ?
Et demain ?

L’accessibilité : défi de la ville de demain

26.11.2018

Lorsqu’on envisage le futur urbain, il n’est pas rare d’entendre parler de smart city. On pense alors à des solutions technologiques de gestion des transports, de l’éclairage des rues, ou d’automatisation des fonctions du bâtiment. Pourtant, dans des villes qui demain accueilleront 70% de la population mondiale, et dans des sociétés vieillissantes, l’accessibilité de tous aux artères, commerces, métros et autres immeubles sera l’un des premiers déterminants de l’intelligence d’une ville. Dans le prolongement de la Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées faisons un point sur le sujet : où en sommes-nous vraiment ? Comment combattre les obstacles à l’inclusion, et promouvoir une ville plus souhaitable pour tous ? Eléments de réponse.

En septembre, à Paris, des manifestants en fauteuil roulant et membres de l’Association APF France Handicap ont attiré l’attention sur un chiffre peu connu des habitués du métro : seules 9 des 303 stations parisiennes sont aménagées pour permettre à des personnes à mobilité réduite d’accéder à ce mode de transport.

Ils ont ainsi mis en lumière l’un des défauts d’une ville capitale en matière d’accessibilité. Paris n’est pas un cas isolé et dans la plupart des métropoles les obstacles à la navigabilité de tous sont loin d’être cantonnés au métro ou même aux transports. Voirie bosselée, trottoirs trop étroits ou inexistants, ascenseurs en panne, marches devant les commerces, feux tricolores non équipés de systèmes sonores, ou encore sonnettes d’accès aux immeubles placées trop haut, la liste est longue. Et la législation ne facilite pas toujours sa réduction. Votée récemment en France, la loi Elan acte ainsi dans son article 18 que seuls 20%, puis 10%, des logements neufs construits à l’avenir devront être accessibles aux personnes en fauteuil roulant. Alors que la règle concernait jusqu’alors 100% des nouvelles habitations.

« Demain, j’aurais donc en effet une chance de trouver un appartement adapté dans lequel je pourrai me mouvoir en fauteuil. Mais l’accessibilité du logement c’est aussi une question de vie sociale. Avec la loi Elan, je dois donc accepter que je ne pourrai jamais aller chez 9 amis ou proches sur dix ! Lorsqu’on ajoute ce frein aux nombreux obstacles au déplacement, il n’est pas étonnant que les gens à mobilité réduite soient aussi peu visibles dans la ville, regrette la fondatrice de Wheeliz, Charlotte de Vilmorin, handicapée de naissance. Le souci c’est que le problème du handicap est toujours traité en silos. On crée des parcours et des solutions qui sont spécifiques alors que l’inclusion ce n’est pas cela ».

Aussi l’accessibilité ne doit-elle pas être considérée comme une contrainte et un coût qui ne bénéficierait qu’à une minorité. Ce d’autant que le handicap touche bien plus de personnes qu’on le croit, et qu’il est souvent « invisible ». En France, il y a 500 000 personnes atteintes d’une perte auditive profonde ou sévère, 700 000 en situation de handicap mental, 1,1 million d’aveugles et malvoyants, et 1,6 million de personnes en fauteuil, dont 1,2 million de seniors qui ont perdu leur mobilité. Et l’augmentation, partout dans le monde, de la population âgée accroîtra forcément les besoins d’aménagements pour un environnement adapté et sécurisé pour tous.

Le digital : vecteur d’une meilleure accessibilité ?

Heureusement, des initiatives positives montrent la voie et sont en mesure d’inspirer les villes pour demain. Elles s’appuient d’abord sur les opportunités offertes par le déploiement des outils et usages numériques. Les cartes et applications liées à l’accessibilité des espaces publics se sont multipliées ces dernières années. On peut citer AXSmap, Access Now, Access Earth, ou encore les applications françaises Picto Access et Streetco. La première lancée en 2015 par une start-up lilloise demande par exemple aux utilisateurs de renseigner leur handicap (malentendant, sourd, handicap mental, handicap moteur, malvoyant ou non-voyant…) pour pouvoir consulter l’accessibilité des lieux recevant du public. Une cartographie réalisée en partie grâce aux contributions de ses utilisateurs. Aujourd’hui l’application recense et évalue ainsi près de 315 000 lieux en France.

De leur côté, les fondateurs de Streetco ont développé le premier GPS piéton collaboratif adapté aux déplacements des personnes confrontées à des difficultés de mobilité, qu’elles soient en fauteuil, dotées d’une canne, malentendantes et aux malvoyantes. Téléchargeable gratuitement depuis avril 2017, l’application permet, une fois son profil rempli, de rechercher des itinéraires adaptés, et de signaler les gênes repérées lors d’un déplacement. C’est chaque fois l’itinéraire le plus rapide qui est proposé, avec des photos d’obstacles à l’appui, et la possibilité d’utiliser la synthèse et le guidage vocal pour s’y rendre. Et l’application intègre depuis peu un logiciel permettant aux malvoyants de lire l’écran de leur Smartphone. En un an, 8 302 villes et 70 730 obstacles ont déjà été répertoriés.

Confrontée aux problématiques de déplacement quotidien en ville mais aussi à celles qui se posent lorsqu’on part en vacances ou visiter ses proches, Charlotte de Vilmorin s’est, elle, inspirée des plateformes web de location de véhicules entre particuliers pour offrir une meilleure accessibilité. Elle a ainsi fondé Wheeliz en 2015. Un site qui propose donc de louer des véhicules aménagés pour les personnes à mobilité réduite. « Aujourd’hui 8500 personnes sont inscrites. Et on arrive à mutualiser un peu plus de 900 véhicules sur l’ensemble du territoire. Le succès de Wheeliz prouve à quel point il y avait un besoin. Cette année nous avons ainsi dépassé les 10 000 locations et plus d’un million de kilomètres ont été parcourus depuis le lancement », souligne Charlotte de Vilmorin.

« Certaines personnes ont loué un véhicule pour se rendre à leur propre mariage, d’autres ont pu retrouver le goût des week-ends ou des vacances après plusieurs années passées enfermées chez elles et dans les alentours », raconte-t-elle.

Ces idées des villes à répliquer

Si elle admet le côté pratique du tram, reconnaît le mérite de services de transport adapté, comme le PAM proposé par la mairie de Paris, elle invite à faire plus d’efforts pour offrir demain des villes inclusives. « Tout comme le train, ce mode de transport est quand même très contraignant car il faut le réserver plusieurs jours voire plusieurs semaines à l’avance. Cela ne laisse place à aucune improvisation. Et c’est pareil avec les taxis. G7 et Uber disposent en effet de flottes équipées de rampes mais en petit nombre. Résultat impossible, généralement, de trouver un taxi disponible. A cet égard Londres est un exemple à suivre. Là-bas tous les taxis sont adaptés. C’est cela un service réellement inclusif », explique la fondatrice de Wheeliz.

D’autres initiatives menées par des villes et collectivités mériteraient d’ailleurs d’être répliquées. A commencer par Paris. La capitale a ainsi lancé une expérimentation en 2016 et 2017 pour sélectionner des dispositifs réellement satisfaisants de zones tactiles traversantes.  Si elles ont pour objectif de permettre aux personnes aveugles et malvoyantes de localiser les passages piétons et de s’orienter tout au long de la traversée, en particulier sur les carrefours complexes, il n’existait à ce jour aucune solution concluante. L’expérimentation de Paris a donc permis de sélectionner trois produits après des tests effectués avec des personnes ayant un déficit visuel. Le dispositif final sera choisi puis déployé sur les grands carrefours de la capitale d’ici la fin 2019.

De son côté, la petite commune bretonne Missiriac par exemple vient de recevoir le label niveau A pour l’accessibilité de ses bâtiments publics et de ses commerces. Pour cela, elle a investi dans une rampe d’accès disponible à tout moment ou dans des sonnettes bien disposées devant les établissements publics.

Rennes, par ailleurs, est la première ville à proposer une signalétique olfactive. Depuis avril 2018 une expérience assez insolite est ainsi menée dans le métro de la ville : la station Saint-Anne, très centrale, se parfume pour permettre aux usagers malvoyants de s’orienter plus facilement. Deux odeurs très différentes permettent de distinguer la direction du métro et s’ajoutent aux messages sonores.

A Toulouse, dans le métro toujours, l’accessibilité s’améliore en continu. Accessible aux fauteuils roulants, il l’est aujourd’hui aussi pour les personnes malvoyantes ou avec un handicap mental. 38 pictogrammes ont ainsi été imaginés par des étudiants en art graphique pour identifier chaque station. « Le recours aux visuels permet l’identification et la mémorisation des étapes d’un déplacement pour tous », avancent les initiateurs du projet.

A cette signalétique nouvelle mise en place en 2016, le réseau de transport toulousain Tisséo a ajouté une application en 2017, baptisée Eô. Elle permet en quelques gestes de programmer un trajet sur son Smartphone, en choisissant les dessins correspondant aux stations de départ et d’arrivée. Un numéro d’appel peut également être activé si l’on se perd.

A Vannes, où 1,1 millions d’euros est investi chaque année pour la mise aux normes de la voirie et l’accessibilité des bâtiments publics, c’est une aire de jeux inclusive qui va voir le jour d’ici 2019, à côté de l’étang de la ville. Grâce à des équipements spécialisés et des jeux adaptés, elle permettra à tous les enfants de s’amuser ensemble.

Ces exemples montrent bien comment l’accessibilité, réellement prise en compte, peut être une opportunité de mieux vivre en ville pour tous. Intégrée dans tous les projets communaux touchant à la mobilité, aux espaces publics ou aux bâtiments, elle apporte une liberté d’usage et un confort quotidien aux plus dynamiques comme aux plus fragiles. L’appréhender en termes de qualité de vie pour tous et donc comme un investissement rentable, c’est une façon de rendre les villes intelligentes demain.

Un article signé Usbek & Rica

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